Et si faire de la politique, c’était comme la cuisine ou les mathématiques, ça s’apprenait ? C’est l’idée toute simple, mais non moins révolutionnaire, que défend aujourd’hui Alice Barbe. L’ancienne cofondatrice de Singa a lancé début janvier une “Académie des futurs leaders”, afin de former la prochaine génération d’élus militants. Explications.
Que vise exactement cette “Académie des futurs leaders”, et à qui s’adresse-t-elle?
Que ce soit du côté des marches pour le climat, du mouvement féministe ou sur les questions de démocratie, avec les Gilets jaunes, on assiste à un vrai renouveau de l’engagement citoyen, porté par des activistes, des entrepreneurs sociaux, des artistes. Mais chez tous ces acteurs, il y a en même temps un refus viscéral de s’engager sur le terrain politique plus traditionnel, comme si c’était forcément un monde à part. Cela s’explique par différentes raisons: la politique est un milieu qui est souvent présenté comme violent, voire dangereux, un panier de crabes où les compromissions seraient nombreuses, et cela peut intimider et faire peur. Il est donc urgent de “démystifier” la politique, pour mettre fin à cette défiance profonde entre les sphères politiques et militantes. Il y a besoin de réenchanter l’engagement politique.
On pourrait considérer que tous ces activistes font déjà, à leur manière, de la politique: pourquoi faudrait-il chercher à les encourager à s’engager directement dans les institutions?
Parce qu’on n’a pas le choix. Il y a comme un plafond de verre à l’engagement citoyen. Bien sûr, ces mobilisations permettent parfois d’influer sur le cours d’une loi, ou d’orienter des décisions. Mais on ne peut pas se contenter de ça, ce n’est pas suffisant pour affronter les grands défis sociaux et environnementaux auxquels on fait face. Et pendant ce temps-là, nos adversaires, eux, ne se privent pas de s’organiser pour parvenir à prendre le pouvoir: regardez l’école lancée par Marion Maréchal-Le Pen, les camps d’été de l’extrême droite ou la candidature d’Éric Zemmour…
Alice BarbeIl y a un refus viscéral de s’engager sur le terrain politique traditionnel, comme si c’était forcément un monde à part. Il est donc urgent de ‘démystifier’ la politique
Concrètement, quelle forme va prendre cette Académie?
Dès janvier 2022, nous accueillerons une première promotion composée de 15 personnes, qui suivront un cursus de formation. Attention, l’idée n’est pas de faire l’ENA bis, mais de préparer et outiller cette nouvelle génération à l’exercice du pouvoir. Nous avons identifié trois piliers: intégrité, éthique, empathie. Dans chacun de ces domaines, les promotions pourront rencontrer des personnalités reconnues et des experts qualifiés qui viendront partager leur expérience: François Hollande, Saikat Chakrabarti (ex-conseiller d’AOC), Ellen Sirleaf (ex-présidente du Libéria) ou Dominique Rousseau (juriste, spécialiste du droit constitutionnel) feront partie de nos intervenants.
À l’heure où l’on entend souvent qu’il faut lutter contre la personnification et le mythe de l’homme providentiel, le terme de “leader” est-il le plus approprié?
On ne cherche pas des super-héros, qui se penseraient comme la seule et unique solution. De fait, les gens qu’on veut accompagner sont des personnes qui mobilisent déjà des communautés, qui sont inspirantes et qui assument une forme d’incarnation: ça, c’est la définition d’un leader, on n’a pas trouvé d’autres mots!
Article issu du n°7 du magazine So good, sorti en kiosque le 16 décembre 2021.
Propos recueillis par Barnabé Binctin. Photo : Eva Sakellarides.