Imaginez que vous vous êtes levés du mauvais pied. Vous avez mal dormi, et en plus, il fait moche et froid. Vous réalisez au réveil que vous n’avez plus de café, vous vous rabattez donc sur un thé qui forcément se renverse, tâchant votre haut préféré que vous aviez mis pour tenter d’égayer ce début de journée. Bref, vous êtes de mauvaise humeur, facilement irritable. Et c’est alors que votre partenaire, vos enfants ou un ou une collègue vous dit : “mais calme-toi !” Et là vous ne pouvez vous empêcher de vriller.
C’est un peu ce qu’il s’est passé cette semaine à Pau quand Anna Katarina, une lycéenne de 18 ans a interpellé Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, sur l’inaction climatique des gouvernements et l’éco-anxiété de la jeunesse. C’est justement sur ce dernier mot qu’Emmanuel Macron a basé sa réponse : “Je ne pense pas que l’anxiété permet d’avoir une action utile. Je suis plutôt pour l’éco-lucidité.” Un “calme-toi” magistral.
Rappelons-le, l’éco-anxiété est un sentiment de peur, de colère, d’impuissance et de culpabilité face au réchauffement climatique et l’inaction de l’humanité face à cette menace existentielle. En septembre dernier, une immense étude publiée dans The Lancet Planetary Health a interrogé plus de 10 000 adolescents et jeunes adultes pour comprendre leur perception du changement climatique. 60% des interrogés sont “très” ou “extrêmement” préoccupés par le réchauffement climatique et plus de 50% des jeunes se sentent tristes, anxieux, en colère, impuissants et coupables.
Pourtant, pour le président sortant, l’anxiété n’est pas la réponse. “Je respecte la colère, je chéris l’indignation, j’ai le devoir de faire en sorte que celle-ci ne se transforme pas en anxiété ou en peur, parce que celle-ci cloisonne et divise et elle ne permet pas d’agir. Donc nous devons tous et toutes être des acteurs au maximum de ce qu’on peut, face à ce défi et à cette urgence.”
Mais peut-être est-ce justement parce que ces jeunes sont lucides, qu’ils sont anxieux ? Ils ont manifesté, ils trient leurs déchets, ils ne consomment plus de viande, ne prennent plus l’avion, pédalent, ne font pas les soldes, mais pour quoi faire ? Ils lisent les rapports du Giec, prennent compte du bilan dressé en 2021 par le Haut Conseil pour le climat qui annonce que “les efforts actuels de la France sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs” (neutralité carbone en 2050 et une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990). Ils sont ahuris par les paroles du président alors que la France assume la présidence du Conseil Européen jusqu’en juin prochain : “Atteindre la neutralité carbone ne signifie pas produire et consommer moins.” Bah… si, en fait.
De jeunes qui réalisent avec lucidité que le bilan écologique n’est pas à la hauteur des enjeux de plus en plus menaçants. Mais bon, tentons l’éco-lucidité alors…mmmh…comment dire…oui c’est ça…on fonce droit dans le mur, lucidement.