Tammy Faye est une télévangéliste américaine pas comme les autres. Du genre à chanter, dans son émission ou sur disque, l’amour de Dieu envers toustes, sur un air de disco. Toute sa vie, elle s’est donc évertuée à faire comprendre à ses fidèles pourtant souvent très conservateurs qu’il fallait bel et bien aimer tout le monde… Vraiment, tout le monde.
1985, sur le plateau de PTL, l’émission Tammy’s House Party commence. Tammy Faye est assise sur un fauteuil. À sa droite, une télévision. Steve Pieters, pasteur et activiste gay, apparaît alors sur l’écran. Après l’avoir salué, la célèbre télévangéliste plaisante sur son oreillette qui ne fait que tomber, son rire enfantin résonnant à nos oreilles. Puis, l’interview débute. “Steve, à quel moment de votre vie vous êtes-vous senti différent ; que peut-être vous n’étiez pas comme les autres garçons?”, demande-t-elle concentrée. C’est probablement la première fois qu’une télévangéliste accueille sur son plateau une personne gay et atteinte du sida et ce, pour l’écouter et non la blâmer. Malgré des questions parfois problématiques posées par Tammy Faye — quand elle demande, par exemple, des détails sur la vie sexuelle de l’invité —, cet entretien suivi par des milliers de téléspectateur.ice.s permit de toucher un grand nombre de chrétien.ne.s conservateur.ice.s, l’audience majoritaire de la chaîne évangéliste PTL qui héberge l’émission. Face aux critiques vives de certain.e.s après l’émission, Tammy Faye répondit simplement: “Je crois au fait que Jésus nous aime tous, donc moi aussi”.
De la lutte contre les évangélistes homophobes au RuPaul show
Toute sa vie, Tammy Faye a soutenu la communauté gay face aux réactions homophobes des évangélistes comme de la société américaine. Dans les années 1990, elle fut donc invitée au RuPaul show. Subtil pied de nez à ceux qui la raillaient toutes ces années en la comparant aux drags queens, du fait d’un style dénotant franchement des autres évangélistes, qui étaient des hommes blancs ultra-conservateurs. Ses vêtements colorés, son contour des lèvres tatoué, ses immenses faux cils, son fard à paupière bleu électrique et ses longs ongles manucurés étaient la marque de fabrique de cette personnalité hors du commun. Quand RuPaul lui demande quelle est sa réaction face à cette comparaison, l’évangéliste répond que chacune et chacun doit être qui elle et il est. Tammy Faye sera érigée, au fil des années, au rang d’icône gay, surtout pour les personnes queer chrétiennes. Elle se rendit aussi plusieurs fois dans les années 2000 au Festival des Fiertés de Washington où elle co-jugea avec la drag queen Lady Bunny le concours de sosie… de Tammy Faye.
La construction d’un empire, d’une chaîne de télévision et d’un Disneyland chrétien
Avant d’être saluée pour son combat contre l’homophobie, Tammy Faye fut d’abord connue avec son mari Jim Bakker. Le couple débute sa carrière d’évangélisation en tant que prêcheur.euse.s nomades. Ils sillonnent alors les villes américaines afin de répandre la parole de Dieu au travers de spectacles de marionnettes à destination des enfants, une cible idéale pour le prosélytisme. La star de leurs show, c’est Susie Moppet, interprétée par Tammy Faye.
En 1966, le couple intègre la chaîne CBN (Christian Broadcasting Network, Ndr) détenue par le pasteur évangéliste Pat Robertson. Leur émission de marionnettes, Come on Over, est un grand succès pour la chaîne. Dans la foulée, Jim Bakker créé un prime time de la chaîne évangélique, The 700 Club, émission qui existe encore aujourd’hui.
En 1974, Tammy Faye et Jim Bakker décident de créer leur propre chaîne : PTL Television Network. Celle-ci devient rapidement la plus importante chaîne évangélique de l’époque et fait d’eux l’un des couples chrétiens charismatiques les plus connus au monde. L’empire PTL s’étend bien au-delà de la télévision et de leur ministère, via la construction d’hôtels, de lieux de pèlerinages et de parcs d’attraction comme le Heritage USA, créé en 1978 et fermé en 1989, qui fut l’un des plus grands parcs du pays, derrière Walt Disney World et Disneyland. Une succes story financée par les fidèles de leur ministère, que le couple désigne comme leurs “partenaires”. Tout va finir néanmoins par s’effondrer lorsque Jim Bakker est accusé de viol et de détournement de fonds. En 1989, il est ainsi reconnu coupable de 24 chefs d’accusations et condamné à 45 ans de prison et 500 000 dollars d’amende. Il sera pourtant libéré en 1994, après seulement cinq ans de détention. Deux ans avant sa sortie de prison, Tammy Faye obtient le divorce et ne cessera jamais de faire entendre sa voix dissonante au sein des chrétiens évangélistes, jusqu’à sa mort en 2007.