La société a beau détourner le regard, une farandole d’études prouve que la vie sexuelle des séniors d’aujourd’hui bat son plein, et ce, jusqu’à un âge avancé. Mieux, certains vivent un âge d’or en la matière. Mais quel est le secret de cette libido vigoureuse? Et à quoi ressemblent leurs galipettes? Enquête sous la couette des aînés.
Quand Catherine, 62 ans, a consacré un espace à la vente de sex-toys dans son magasin de prêt-à-porter de Venasque dans le Vaucluse, elle a mal ciblé sa clientèle. “Moi qui pensais capter les jeunes du village, en réalité, c’est les femmes de 70 ans qui se sont laissées tenter!”, assure-t-elle, pas peu fière d’avoir initié la dynamique. Curieuses d’explorer leur plaisir ou activement à la recherche d’un orgasme perdu, ses clientes ont de sérieuses raisons de succomber à la tentation. Si elle profite à titre personnel d’une sexualité active avec son conjoint, Catherine comprend leur quête. “À un certain âge, le corps a parfois du mal à suivre les envies sexuelles qui nous traversent”, souffle-t-elle. Pause. L’image convoquée, celle de deux corps fripés en pleins ébats, vous heurte? Elle traduit pourtant la réalité quotidienne de ceux qu’on encarte sous le terme “séniors” – les plus de 60 ans, selon l’OMS et l’ONU – et dont l’amour des galipettes est souligné par une farandole de statistiques. Selon un rapport de l’association Petits Frères des Pauvres de 2022, une personne âgée sur deux a des relations intimes, et 91% en sont satisfaites. Une étude menée en 2019 par l’association Terre des Séniors en France montre quant à elle qu’un tiers des plus de 70 ans fait l’amour au moins deux fois par mois, un chiffre en constante augmentation, quand la fréquence des rapports des 18-35 ans ne cesse de baisser. Et n’allez pas croire que les aînés sont plan-plan: 70% font l’amour hors du lit, 73% offrent régulièrement un accessoire sexuel à leur partenaire pour Noël et 82% regardent du porno. Ils ont même un Kamasutra rien que pour eux: le livre Silver Kama du gérontologue Pierre Laclos qui propose 30 positions adaptées aux profils à articulations rouillées et dos voûté. “La libido existe toujours à cet âge, elle est juste inhibée par honte”, tranche Aurélie Lieuché, infirmière à domicile et formatrice sur les questions de sexualité en Ehpad.
Je pensais que la boutique était fermée. Mais le sexe c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. L’orgasme ne perd rien en intensité, alors pourquoi s’en priver?
Béatrice, habitante d’Amiens de 71 ans, fait partie de ces joyeux adeptes d’une sexualité libérée. Au décès de son mari il y a trois ans, elle s’est d’abord interdit toute rencontre, par loyauté. Avant de faire volte-face. “Je pensais aussi que la boutique était fermée. Mais le sexe c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. L’orgasme ne perd rien en intensité, alors pourquoi s’en priver?, questionne la retraitée. Mon mari aurait sûrement souhaité que je vive ma vie jusqu’au bout.” Elle s’inscrit alors sur le site
de rencontre Nos Belles Années, et l’aventure démarre. Elle y rencontre une vingtaine d’hommes, et concrétise avec cinq d’entre eux. Un ratio mûrement réfléchi. “Vous savez, plus on est vieux, plus on est exigeants. On sait que ça ne sera pas éternel, alors c’est précieux!” Sur le groupe Facebook Séniors très actifs, qui réunit près de 19 000 membres, la possibilité d’une vie sexuelle n’est même plus un débat. Et qu’elle soit l’objet de frustrations ou de découvertes inattendues, elle ne manque pas de donner lieu à de bonnes boutades. “Pourquoi s’abstenir tant que ça fonctionne? C’est maintenant ou jamais!”, déclare Claude. “Le sexe oui, mais avec des mecs plus jeunes! Y a pas de mal à se faire du bien”, soutient Josette. “Gare aux esprits étroits de ce groupe: je suis plutôt aventureux dans le domaine!”, tonne Bernard de son côté.
Par Victoire Radenne
Illustration: Jules Le Barazer pour So good
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