Recréer du lien social pour seulement 2000 euros ? Oui, c’est possible. Mais comment ? Le projet Qu’est-ce qu’on attend propose de le faire à travers la création d’épiceries participatives. Pour la ruralité, c’est un coup de boost, encore à ses débuts, mais qui se prend déjà à rêver très grand.
La crise de la cinquantaine, on peut la subir ou l’affronter. C’est la deuxième option qu’ont choisi Emmanuel et Christophe Brochot. Après une carrière dans la distribution et la communication, les deux frères ont fait le pari du retour aux sources. Si Christophe réside aujourd’hui dans la Sarthe, Emmanuel est retourné en Auvergne, d’où est originaire sa famille. “Dans ce village de 150 habitants, certaines choses qui faisaient battre notre coeur étant enfants avaient disparu. C’est pour cela qu’en 2018, nous avons créé Bouge ton coQ : pour revitaliser les villages.” Deux ans plus tard, la crise du Covid-19 les incite à lancer C’est ma tournée. En partenariat avec l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF) et avec l’aide de 40 000 citoyens, ils lèvent des fonds pour venir en aide à 300 artisans, petits commerçants et exploitants agricoles en confinement. Quelques mois plus tard, en novembre, Bouge ton coQ revient avec une nouvelle cible : le commerce de proximité.
Cédric Szabo, directeur de l’AMRF part d’un constat simple : “60% des communes ne disposent d’aucun commerce. Notre cœur de cible, ce sont celles de moins de 3500 habitants. 80% d’entre elles – soit 28 000 villages – ont une population qui augmente et avec elle, un besoin de services qui augmente.” Concrètement, pour se ravitailler en produits de première nécessité, la durée moyenne de l’aller-retour est de 24 kilomètres. Comment y remédier ? L’association Mon Epi croit avoir trouvé la solution. “Il y a cinq ans, nous avons lancé une épicerie participative à Châteaufort, rembobine Marie-Lou Poullot, cofondatrice du projet. C’est une solution pensée par des habitants pour des habitants qui nécessite un apport de départ minime, plafonné à 2000 euros.” Dans le détail : “1100 pour l’aménagement du local, 500 pour le développement du logiciel créé par Mon Épi et 400 pour l’association.” Quant au local, il est mis à disposition gratuitement par la mairie. “Et notre rôle ne s’arrête pas là, précise Cédric Szabo. On s’occupe de la publicité du projet et de la structuration de la filière, en faisant en sorte qu’il y ait toujours quelque chose en magasin.”
Au niveau du fonctionnement, rien de plus simple. Les familles qui constituent l’association n’ont qu’une seule contrainte : donner deux heures de leur temps chaque mois. Pas grand chose au vu des bénéfices indirects : “Un petit commerce crée du lien social et apporte des solutions aux plus démunis et aux personnes âgées pour repousser la dépendance”, décrit Emmanuel Brochot. Sans parler de l’impact écologique : “Pourquoi rouler quinze bornes quand on a des producteurs installés à seulement cinq kilomètres ?”, questionne Cédric Szabo. Dans une épicerie participative, 75% des marchandises sont produites à moins de quinze kilomètres. De quoi renforcer le circuit court, en plus de créer des emplois indirects via les petits producteurs. Et le client, lui, consomme mieux et moins cher, puisque les marchandises sont revendues entre 15 et 30% moins cher que dans la grande distribution.
Depuis l’ouverture de la première épicerie, 69 autres ont suivi. “Aucune n’a fermé et leur croissance est à trois chiffres !”, assure Emmanuel Brochot. L’objectif est d’atteindre la barre des 2000, donc de trouver 4 millions d’euros. “Cela peut paraître énorme, mais elles généreront annuellement 60 millions nets de commandes auprès des petits producteurs locaux !”, conclut le cofondateur de Bouge Ton coQ, qui n’a finalement même pas besoin d’expliciter le nom de la campagne en cours : Qu’est-ce qu’on attend ?