Être neutre, c’est la position tactique de la Suisse de longue date. Être neutre en carbone, c’est l’objectif de toute entreprise un tant soit peu consciente du monde dans lequel elle évolue. C’est aussi un bel argument marketing à brandir devant les consommateurs, quitte à tordre allègrement le cou à la réalité. Ainsi des aéroports de Lyon-Saint Exupéry et de Nice Côte d’Azur par exemple, qui se réclamaient il y a encore quelque temps neutres en carbone alors même que le secteur de l’aviation représente entre 5 et 6 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Mais, désormais, gare aux Pinocchio : depuis le 1er janvier 2023, vanter la neutralité carbone de ses produits et services est interdit à moins que la neutralité soit dûment prouvée. Pour obtenir le précieux sésame, la loi Climat et résilience exige de l’entreprise qu’elle réalise un bilan annuel de ses émissions de gaz à effet de serre. Et attention, le calcul doit se faire dans les règles de l’art, selon le principe d’analyse du cycle de vie, qui exige un calcul des émissions du berceau à la tombe du produit. La loi exige aussi de l’entreprise qu’elle explicite la démarche par laquelle ses émissions sont évitées.
La neutralité carbone va donc bel et bien devenir plus neutre, même si Max Weber nous a déjà montré que la neutralité, axiologique du moins, n’existe pas. Ceci étant dit, des produits comme l’essence ou le bœuf pourront toujours être présentés comme “neutres en carbone” grâce au fameux mécanisme de compensation carbone – soit financer la réduction d’autres émissions ou de séquestration de carbone pour compenser ses propres émissions, en plantant des arbres par exemple – dont l’usage n’est à ce jour pas encadré par la loi. En toute hypothèse, TotalEnergies pourra donc toujours revendiquer une neutralité carbone à horizon 2050 grâce, entre autres, à ses 40 000 hectares d’acacias achetés en République du Congo au détriment des populations locales. Mais hauts les coeurs, si cette loi anti greenwashing est un petit pas pour le carbone, c’est un grand pas pour les ONG.
Par Romain Salas
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