Durant sa convalescence d’un cancer de la thyroïde, Lizzie Carr a découvert le paddle et décidé d’en faire un moyen de combattre la pollution des rivières. En 2016, elle a fondé Planet Patrol, une organisation qui a désormais essaimé dans 85 pays.
Avant de fonder Planet Patrol, est-ce que tu étais sensibilisée à la protection de l’environnement ?
J’ai grandi à Tenerife, en Espagne, donc j’étais à l’aise dans l’eau. Ma mère encadrait des scouts, on était souvent dans la nature, mais je n’avais pas vraiment de connexion avec la nature. Et puis, j’ai observé la pollution plastique sur le fleuve Yang-Tsé, mais je pensais que la question était limitée à la Chine. Lorsque j’ai commencé à faire du paddle sur la Tamise, j’ai compris que le problème était mondial.
Comment tu t’es retrouvée à faire du paddle ?
Lorsque j’ai eu 26 ans, on m’a diagnostiqué un cancer de la thyroïde. Cela m’a fait reconsidérer mes priorités dans la vie. J’ai quitté mon travail dans le marketing. A la fin de mon traitement, mon père m’a amenée sur les îles Scilly et j’ai fait du paddle pour la première fois. Le paddle a eu des bienfaits incroyables pour ma santé mentale. Quand je suis revenue à Londres, je me suis inscrite à un club pour en faire le soir et les weekends.
Et comment as-tu lié paddle et lutte contre la pollution ?
Plus je naviguais, plus je voyais de pollution. Et ça m’énervait. Je me suis demandée comment sensibiliser les gens au problème. En 2016, j’ai donc décidé de faire du paddle sur plus de 640 km – l’équivalent de la longueur de l’Angleterre -, de photographier et répertorier sur une carte en ligne chaque déchet plastique afin que l’on se rende compte de la mesure du problème. J’avais une tente sur ma planche, de quoi manger.
Comment as-tu concrétisé cette aventure en engagement ?
A la fin du périple, on m’écrivait du monde entier : “qu’est-ce que je peux faire pour aider ?”. J’ai donc créé Plastic Patrol (devenu cet été Planet Patrol, ndlr) pour qu’on m’accompagne nettoyer les rivières. J’ai emprunté un van et des planches, parcouru le pays. Au Royaume-Uni, le paddle est désormais synonyme de ramassage des déchets. J’ai ensuite développé une application pour Plastic Patrol : chacun peut photographier et entrer les détails des ordures ramassés (marque, type, quantité). Elle est désormais utilisée dans 85 pays, et a identifié plus de 280 000 déchets, et pas seulement en plastique.
Que fait Planet Patrol avec ces données ?
On bosse avec les universités de Nottingham et de Glasgow. Les équipes analysent ces données et nous permettent de sortir chaque année un rapport dans lequel on précise les modèles courants de pollution, quelles rivières sont les plus affectées, quelles sont les marques dont les déchets se retrouvent le plus dans la nature. On peut essayer d’agir ensuite à la source.
Avez-vous pu justement agir sur les entreprises ?
On travaille avec des entreprises polluantes pour les aider à trouver des solutions, qu’elles sachent où atterrissent les déchets issus de leurs produits. Quand elles s’engagent sur du 100% recyclable, il faut que ce soit, en bout de chaîne, effectivement recyclé. Je ne nomme pas les entreprises avec qui je bosse et tant qu’elles n’utilisent pas notre action pour faire leur pub, ce n’est pas du greenwashing. Aucune marque n’est parfaite. Au niveau législatif, on essaye par exemple d’agir sur le retour de la consigne, sur l’excès d’emballage car il faut s’attaquer aux causes. On blâme facilement le consommateur pour la pollution alors qu’il faut se concentrer sur les failles d’un système : l’Etat et les entreprises doivent changer pour que le consommateur ait des alternatives.