Quand on avait 15 ans, la plus grande source de stress étaient les contrôles pour lesquels on n’avait pas révisé. La plus grosse préoccupation était les garçons et les filles dont on était secrètement amoureux. C’était aussi l’époque où on commençait occasionnellement à tremper nos lèvres dans des bières ou du vin, même si nos corps et nos cerveaux n’étaient pas encore assez développés pour cela.
Kamila Valieva a 15 ans. Sa plus grande source de stress est d’avoir les yeux du monde entier rivés sur elle alors qu’elle s’élance sur une patinoire pour tenter des figures aussi impressionnantes que dangereuses. Sa plus grosse préoccupation est de gagner une médaille. Peut-être pour elle, probablement aussi pour ses entraîneurs, et son pays : la Russie. Pays interdit d’accès aux compétitions sportives par la Wada (l’organisme mondial d’antidopage) depuis 2019 suite à la découverte d’un programme de dopage à échelle industrielle piloté par l’État russe lui-même.
Alors qu’à son âge nous étions en train de découvrir le vin et la bière, la jeune patineuse artistique doit donc expliquer un contrôle antidopage positif à un médicament anti angine. Malgré le contrôle positif, l’adolescente a tout de même eu le droit de participer à la finale, lors de laquelle, sans doute submergée par le stress et l’angoisse, et en dépit de sa position de favorite, elle est tombée à de multiples reprises. À sa sortie de la patinoire, les larmes coulent à flot. Plutôt que de la consoler, les téléspectateurs russophones remarquent les paroles que l’entraîneure lui a adressées : « pourquoi ne t’es-tu pas battu ? » On s’interroge : pourquoi l’a-t-on autorisé à concourir, surtout que si elle avait gagné, il n’y aurait pas eu de remise de médailles en attendant la fin de l’enquête anti-dopage ? Quel intérêt, donc, pour le sport de manière générale, mais surtout pour sa santé mentale ? On le répète : elle n’a que 15 ans, et il y a raison de s’inquiéter sur l’effet qu’auront eu ces JO sur la jeune fille à l’avenir.
Enfin, pourquoi ce médicament se trouvait-il dans son corps ? Impossible de savoir, mais la Wada a déjà fait savoir que des enquêtes sont en cours sur son entourage, entraîneurs, médecins et d’autres adultes.
Tout cela intervient lors d’une édition des jeux olympiques d’hiver que l’on préférera oublier. Principalement parce qu’ ils ne se déroulent pas en hiver. Sans neige. Regardez-donc cette image de la piste de ‘big air’… Hallucinant. Sans parler du fait que les jeux ont lieu dans un pays accusé par la communauté internationale d’être en train de commettre un génocide des Ouïghours, un peuple musulman minoritaire dans la région du Xinjiang.
Quand on avait 15 ans, les JO nous faisaient rêver. Aujourd’hui, ils nous dégoûtent. Quand on avait 15 ans, on passait des heures à appliquer des filtres sur la photo où on avait le moins de boutons et la plus belle mèche pour la mettre en photo de profil sur Facebook. Aujourd’hui, quand on cherche le nom de Kamila Valieva sur Internet, la première photo qui apparaît est d’elle en larmes sur la patinoire. Et on ne peut s’empêcher de se demander : Qu’est-ce qu’une enfant de 15 ans fait là ?