Pour célébrer les 50 ans du Manifeste des 343, Adeline Laffite a réalisé un documentaire, diffusé le 5 avril prochain sur la chaîne Histoire. Son nom : “Je suis l’une d’elles.” Grâce à de nombreuses images d’archive et des témoignages inédits, la journaliste et scénariste souhaite rétablir l’histoire de ce texte et rappeler que le droit à l’avortement est encore dans le monde, un combat.
5 avril 1971. Tout le monde se précipite au kiosque le plus proche afin d’obtenir le dernier numéro du Nouvel Observateur. Sur fond noir, le magazine affiche en Une “la liste des 343 Françaises qui ont le courage de signer le manifeste « Je me suis fait avorter »”. Un texte rédigé par Simone de Beauvoir qui fera l’effet d’une bombe. Mais surtout, un acte de désobéissance civile qui aura entre autres contribué à l’adoption de la loi Veil, en 1975. Pour célébrer le cinquantenaire de ce manifeste, la journaliste et scénariste Adeline Laffite raconte dans un documentaire intitulé “Je suis l’une d’elles”, ce que l’histoire n’a pas cru bon de retenir. “Si tout le monde en a entendu parler, personne ne sait qui se cache derrière cette action de 1971. Ce sont de vraies héroïnes. Les articles que l’on trouve sur le manifeste créditent les hommes du Nouvel Observateur, en oubliant que les petites mains étaient d’abord celles de journalistes femmes et militantes du Mouvement de libération des femmes (MLF).” Adeline se donne alors pour mission de rendre hommage à toutes ces femmes, à travers le témoignage inédit de deux protagonistes : Nicole Muchnik et Anne Zelensky. Mais pas que. Le documentaire présente une série de témoignages 100% féminin, souhaitant faire “écho à ce qu’il s’est fait il y a 50 ans”. “Déjà à l’époque, le MLF excluait les hommes de ces assemblées générales, poursuit Adeline. Et l’un de ses slogans disait : « Ne me libère pas, je m’en charge ». Les femmes sont assez grandes pour parler de leur histoire. C’était donc évident que cette action portée par des femmes, soit racontée dans le documentaire par des femmes.”
En 1970, Adeline Laffitte vient de naître. Sa mère n’est pas particulièrement féministe mais à l’âge adulte, son chemin croise celui de femmes concernées par la cause féministe de l’époque, et qui deviendront par la suite ses modèles. Aujourd’hui, la scénariste dit faire partie d’une génération “relais” entre celles qui ont connu le combat des années 70 et celles qui le poursuivent en 2020. Une nouvelle génération sûre d’elle, qui “n’a d’ailleurs pas forcément besoin qu’on les guide”. Pour diffuser la parole des 343, à travers de nombreuses archives, Adeline Laffite a récemment lancé une cagnotte sur Ulule, ouverte jusqu’au 4 décembre prochain. En revanche, il faudra attendre la date anniversaire pour une diffusion sur la chaîne Histoire. “On a seulement retenu les 343 salopes et Catherine Deneuve. Certes, la notoriété de certaines a protégé les anonymes d’attaques judiciaires mais elle a également gommé tout ce qui s’est passé avant.”
Avant – et après. Aujourd’hui encore, face à des États comme l’Alabama ou des pays comme la Pologne, il est clair que la lutte est loin d’être terminée. “Le passé des Françaises est le présent des Polonaises et de certaines femmes en Amérique Latine où c’est encore une boucherie.” Une situation qu’Adeline Laffite ne s’explique pas. Mais elle se rappelle d’une phrase prononcée par Simone de Beauvoir : “Il suffira d’une crise pour que les droits des femmes soient remis en question”. Visionnaire.