En 1981, un camp prend place près de la base militaire Greenham Common, en Angleterre, pour protester contre le stockage de missiles nucléaires. Composé essentiellement de femmes, il y restera plus de 19 ans. À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires, retour sur cet évenement à la fois écologiste et féministe.
Alors que la guerre froide bat son plein, dans le Berkshire, l’un des plus vieux comtés d’Angleterre, une organisation pacifiste commence à se faire entendre. Trente-six femmes traversent plus de deux cent kilomètres dans la campagne anglaise pour rejoindre Greenham Common, désigné par l’OTAN comme le lieu de stockage des premiers missiles à tête nucléaire états-uniens. À leur arrivée, le 5 septembre 1981, elles s’enchaînent à la clôture, et ainsi, protestent pacifiquement contre la décision de l’organisation internationale. Leur demande est simple : en discuter lors d’un débat public télévisé avec le ministère de la Défense.
Non-mixité et pouvoir politique
Leur demande est refusée, mais loin d’être découragées, les militantes installent leur camp et, en février, après discussions, décident qu’il sera non mixte. Les hommes pourront seulement les aider pour les tâches traditionnellement réservées aux femmes, comme la garde des enfants et la cuisine. Une manière de se replacer au centre de la scène politique et d’être les seules décisionnaires de leur combat. Prenant de l’ampleur, leur camp commence à intéresser de plus en plus les médias, mais leur volonté de non-mixité ne plaît pas à tout le monde, et notamment aux journalistes à qui la règle est aussi appliquée. Les journaux oscillent entre les décrire comme des lesbiennes agressives ou des mères altruistes. Des descriptions parlantes quant aux stéréotypes qu’on associent à ces femmes, éternelles mères ou “détesteuses” d’hommes, mais rarement sujet politique.
“Maintenant, nous nous soutenons les unes les autres”
La présence de femmes blanches de classe moyenne est majoritaire, mais au fil des années, le camp commence à accueillir de plus en plus de femmes de différentes origines, cultures et classes sociales. Dans un article pour le site de documentation Ritimo, la chercheuse en sciences sociales et anglaise Anna Feigenbaum relève le témoignage d’une des militantes du camps : « Être à Greenham et côtoyer des femmes provenant du Chili, du Pacifique, du Nicaragua ou de Namibie, a élargi et changé l’image que je me faisais du quotidien des femmes dans le monde. Plus près de chez nous, les femmes de la communauté minière de Bildworth ont insufflé des idées novatrices et partagé des expériences nouvelles. Maintenant, nous nous soutenons les unes les autres et partageons ; être confrontées aux luttes d’autres femmes nous a été bénéfique. »
Le camp de Greenham Common existera durant deux décennies et verra passer des milliers de femmes. Né d’une volonté anti-nucléaire et pacifiste, il a permis d’inspirer aux futurs combats sociaux une façon de s’organiser et de vivre la lutte au quotidien. Plus de 30 ans après cet événement, l’ONU décide en 2013 que le 26 septembre sera la journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires.
Pour aller plus loin :
L’épisode Greenham Common, des femmes contre des missiles de l’émission Affaires Sensibles de France Inter.
L’article Le camp pour la paix exclusivement féminin de Greenham Common, de Anna Feigenbaum adapté de ses autres travaux.
Le documentaire Des femmes face aux missiles de Sonia Gonzalez.