Si vous rentrez dans une boutique de vêtements, que vous vous emparez d’un pull, et que vous partez sans rien payer, normalement vous êtes un voleur. Sauf bien sûr si vous êtes dans un free shop, ces magasins en plein essor où les produits… sont gratuits. Une invention à l’encontre des dérives de la fast fashion, qui permet de concilier écologie, lien social, et économie solidaire.
Après les Etats Unis où ils sont nés et l’Allemagne où il sont très nombreux, depuis quelques années la France adopte à son tour les free shops, ces magasins qui permettent de prendre ou donner librement, principalement des vêtements, sans le moindre coût. Un système non pas de troc, mais de don libre, rappelle Julie Hebting, membre de la Boutique sans Argent, un free shop parisien qui compte jusqu’à 25 000 visites par an : « Tu peux déposer les objets dont tu n’as plus l’utilité, tu peux en prendre d’autres, mais les deux actes sont déconnectés, tu n’as pas à donner pour prendre : on n’a pas forcément des besoins et des choses à donner au même moment de la vie, ou de l’année. Quand on a déménage on veut surtout se délester, quand on a une naissance on a plutôt des besoins, ensuite dès que l’enfant grandit on peut donner… Le critère, c’est bon état et transportable à la main. »
Du don d’objet, mais pas que. Les trois piliers des free shops sont l’écologie, puisque leur système permet de contourner le rythme de production polluant et effréné de l’industrie du vêtement, et le gaspillage qui en découle ; l’économie solidaire, puisqu’ils permettent une consommation égalitaire et gratuite ; et enfin le lien social : la Boutique sans argent, comme beaucoup de free shops, comprend une partie « café » et se veut aussi un lieu de vie. « Le don ce n’est pas que matériel, rappelle Julie. De manière plus générale, si t’as un talent tu peux dire « j’aimerais bien partager ça », comme on partage les objets. L’an dernier par exemple on avait tous les lundis quelqu’un qui nous donnait des cours d’espagnol, mais ça peut être de la couture, ou plein de choses… Une personne sur cinq se sent seule dans les agglomérations de plus de 500 000 habitants, et ce genre de lieu ça favorise les rencontres. Et dans les petites villes, les maires notamment peuvent être intéressés de mettre à disposition un local. Quand les cafés ont fermé, recréer un lieu de dons c’est intéressant pour l’aspect réduction des déchets, réemploi, mais aussi pour toute la dimension sociale : ça redynamise le territoire. »
Car les free shops ne sont pas qu’une lubie parisienne, au contraire : le premier du genre a d’ailleurs vu le jour à Mulhouse. Sa fondatrice Mireille Gigante découvrit le concept lors d’un de ses voyages en Allemagne. Dès son retour, elle s’est attelée avec sa famille à la création du Magasin pour rien, qui ouvrit ses portes en 2009 : le pionnier français, qui a inspiré la création des suivants, et vers qui continuent de se tourner tous ceux qui aimeraient ouvrir une boutique gratuite. Ludovic Gigante, fils de, récapitule : « Pendant à peu près trois ans on était seuls, puis d’autres ont ouvert : la Souris verte en 2012, le Magasin pour rien en 2015, … Tous les ans on reçoit plein de mails nous demandant comment on a fait, de la part de gens qui aimeraient ouvrir un free shop. Je leur conseille de se rapprocher de leur mairie, d’un presbytère ou d’une association alternative. C’est plus simple après pour les locaux, les réseaux… Là cette année, j’ai compté qu’on en était à 49. »