Comment arrêter un projet d’autoroute qualifié d’écocide par des militants écologistes? En grimpant dans les arbres et en se mettant en grève de la soif, estiment Thomas Brail, Reva Seifert et Celik Sadik, qui sont parvenus à suspendre les travaux de la nouvelle A69 ce mardi 11 octobre. Analyse d’une méthode “d’écureuils”, par Reva, l’un des protagonistes.
Ce mardi 11 octobre, les travaux de l’A69, entamés depuis mars 2023 et dénoncés par les militants écologistes, ont été suspendus par la société Atosca. Une réunion est prévue vendredi 13 octobre, avec tous les élu.e.s du Tarn et de Haute-Garonne ainsi que les groupes militants et écologistes – tels que le collectif La Voie est Libre, le Groupe National de Surveillance des Arbres, France Nature Environnement et d’autres – pour décider de la poursuite ou de l’arrêt de ce projet. Comment s’est donc produit ce petit miracle ? C’est peu ou prou le récit de David contre Goliath. Soit trois militants, Thomas Brail (voir son interview dans le nouveau numéro de So good), Reva Seifert et Celik Sadik, vent debout contre un projet qu’ils estiment écocide. Leur moyen de lutte : grimper dans les arbres qui bordent son tracé, et se mettre en grève de la faim – avec 12 autres grévistes – et de la soif. Reva, militant du GNSA détaille sa méthode de combat et les détails de l’affaire.
Quel est le but de cette réunion?
On nous a dit qu’à l’issue de cette réunion, un vote allait être réalisé. Si la majorité est contre le projet d’autoroute, l’idée étant de respecter le principe de démocratie, le projet pourra être rediscuté. Donc c’est une réelle victoire, même s’il y a un certain nombre de subtilités sur lesquelles on va être extrêmement vigilants.
Quel est ton sentiment par rapport à cette nouvelle?
Il y a un vrai bel éveil de la population qui, enfin, commence à s’engager, s’informer aux bons endroits et à commencer à faire la tête aux grands médias qui ne relaient pas l’information de manière pertinente. C’est une belle victoire. On en ressort vraiment gagnants, grands, plus nombreux, plus solidaires et on va continuer à aller de l’avant tous les jours.
Comment s’est déroulée votre grève de la soif jusqu’à la suspension du projet?
Lundi à 14h, devant le ministère de la transition écologique, Thomas Brail, Celik Sadik et moi-même avons commencé notre grève de la soif alors que nous étions respectivement à 40, 31 et 30 jours de grève de la faim. On a lancé notre grève de la soif en essayant de symboliser cette patate chaude qui se refilait d’administration en administration et que personne n’osait considérer sérieusement. On a erré dans les rues de Paris entre le ministère de la Transition écologique, avec Clément Beaune, et l’Elysée, avec Emmanuel Macron.
Comment a été reçu ce début de grève de la soif?
On n’a reçu aucune écoute, aucune discussion possible. Et les médias aussi dans l’ensemble ne nous ont pas fait de place, à l’exception des indépendants tels que Vakita, Blast. Ce constat a été assez difficile. Je rappelle que l’article 2 du code de l’environnement adopté en 2005 dans la Constitution française déclare que c’est un devoir de citoyen.ne de protéger l’environnement. C’est ce qu’on a essayé d’incarner individuellement et collectivement. On représente aussi nos ami.e.s qui sont sur le tracé de l’autoroute, perché.e.s dans les arbres ou au sol et qui, vaillamment, tous les jours, mettent toutes leurs ressources au profit de l’intelligence, de l’avenir et du vivant.
Comment s’est passée la suite des événements ?
On a finalement terminé sur le pont entre le jardin des Tuileries et le Musée d’Orsay. On nous a enfin laissé tranquilles. On a pu dormir là bas, avec un soutien de la population qui a été extrêmement précieux. Et puis dans la nuit, vers 4h30 du matin, Thomas a fait un malaise avec une perte de connaissance donc il a été évacué. Il a reçu une perfusion de glucose. Puis, au petit matin, c’est Celik qui a affiché des signaux alarmants et qui a aussi reçu du glucose. Ça commençait à se dégrader sérieusement.
C’est à ce moment que le gouvernement a enfin changé de discours?
Les discussions ont commencé à prendre une autre tournure. En fin de matinée, le gouvernement a commencé à parler de suspension provisoire des travaux. Ils ont accepté qu’il n’y ait aucun travaux d’abattage jusqu’à vendredi. On a pu trouver une première sortie à cette crise. C’est une grande victoire pour nous.
Est-ce que tu as un message à faire passer?
Il n’y a aucun héros dans ce combat. On est tous des citoyens et des citoyennes. On est simplement dignes, humains et vivants et on a une conscience qu’on met au service de l’humanité, avec toute l’humilité nécessaire. On défend tout ce qu’il de plus cher : la vie.
Illustration : Simon Landrein