Visuel Come fly with me tout seul
24.01.22

Come fly with me tout seul

Si Frank Sinatra était encore de ce monde, il serait désespéré. Probablement assis dans un avion en direction d’Ibiza en train de chantonner son hit “come fly with me” en attendant que quelqu’un vienne lui tenir compagnie, un ministre de l’Education par exemple. Mais il est fort probable que le roi des crooners aurait fini par être tout seul. Peut-être aurions-nous eu droit à un récit de son vol solitaire sur Tik Tok comme l’a fait ce jeune Britannique dans un vol entre Londres et Orlando aux Etats-Unis. Et oui, depuis le début de la crise du Covid, le flux constant de passagers sur les avions de lignes a été quelque peu perturbé. Et pourtant, ils volent toujours. Et heureusement, ce serait dommage de ne pas continuer la destruction de notre planète que nous avons si bien entamée parce que les gens voyagent moins. 

Il semblerait qu’ici en Europe, nous avons vraiment perfectionné le tout nouvel art qui consiste à faire voler des milliers d’avions vides. Tous les quelques mois, les compagnies aériennes tentent d’obtenir des créneaux de décollage et d’atterrissage dans divers aéroports. Et pour maximiser le nombre d’avions qui décollent en temps normal, des règles définies au sein de  la Commission Européenne stipulent que les compagnies aériennes sont tenues d’utiliser au minimum 80% de leurs créneaux. Si elle n’utilisent pas ces créneaux, elles risquent de les perdre la saison d’après quand les autorisations sont redistribuées. Mais avec la crise du Covid, réalisant qu’il y avait un risque qu’il y ait pleins d’avions vides, les règles ont été assouplies : le seuil n’était plus que de 50% – ce qui demeure insuffisant… Il n’y a toujours pas assez de passagers pour remplir les avions. Or, pour ne pas perdre les créneaux, les avions volent toujours, vides. C’est en tout cas ce qu’a affirmé le 23 décembre dernier le PDG du groupe Lufthansa Carsten Spohr, le plus gros groupe européen en termes de passagers transportés. Selon lui, l’entreprise serait contrainte d’effectuer 18 000 vols vides ou presque pendant la saison hivernale uniquement pour “conserver les droits de décollage et d’atterrissage”

Pourtant, la commission européenne se dédouane démentant les dires selon lesquels les avions seraient vides, et que les règles mises en place avec la crise du Covid protègent les slots actuels des compagnies aériennes. Le ministre français des Transports Jean-Baptiste Djebbari a publié un tweet dans lequel il assurait que “nous veillerons à ce qu’aucune compagnie européenne ne soit contrainte d’opérer des vols à vide.” Selon lui, ce serait plutôt un coup de com’ de la part de Lufthansa juste avant le début des négociations pour le seuil d’utilisation des slots pour la période hivernale de l’année prochaine. Pour faire face à la crise du Covid, la Lufthansa a opté pour une stratégie de licenciement massif et l’annulation de nombreux vols. Imposer des seuils élevés d’occupation des créneaux pourrait donc être compliqué pour l’entreprise allemande qui aura des difficultés à les remplir. 


In fine, soit Lufthansa fait voler des vols à vides pour pouvoir jouer les caliméros derrière, soit Lufthansa nous raconte des bobards et tente de se positionner comme grand défenseur du climat. Troisième option : la commission européenne n’assume pas tout à fait les conséquences de ses décisions supposées assurer le maintien de la viabilité économique de l’industrie aéronautique, de la compétitivité et de la connectivité qui sont, comme chacun le sait, trois grands piliers de l’écologie…