Comment choisir l’information qu’il faut mettre en avant ? Cette semaine, l’actualité aurait dû se partager de manière équitable. D’une part, l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. C’est une guerre, il y a des morts, des images d’une violence terrible s’éparpillent à travers les réseaux sociaux. Et justement, la guerre est visuelle, on voit une école détruite, on sait qu’elle a été bombardée par un missile russe. Mais d’autre part, il y a le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts du climat (GIEC). Ce n’est pas aussi visuel. On a plus de mal à se rendre compte de la menace du réchauffement climatique. À défaut d’images, ce sont les avertissements, les mots des scientifiques qui devraient nous alarmer. Le rapport “montre que le changement climatique est une menace grave et croissante pour notre bien-être et la santé de cette planète. Nos actions aujourd’hui détermineront comment l’humanité et la nature s’adapteront aux risques climatiques croissants. » Et pourtant, comme l’a très justement dit Camille Crosnier sur France Inter : Tout le monde s’en cogne. Parce qu’il y a la guerre.
Mais sont-ils mutuellement exclusifs ? Pourquoi les hiérarchiser ? En réalité, ils sont liés. Lors d’un zoom avant la publication du rapport, Svitlana Krakovska, une météorologue ukrainienne, cheffe de la délégation ukrainienne qui a contribué au rapport, a tenté de rappeler le lien entre la guerre et le rapport. Depuis son bunker à Kyiv elle a déclaré : “l’argent qui finance cette agression vient du même endroit que le changement climatique. Si nous n’étions pas dépendants des énergies fossiles, la Russie n’aurait pas les moyens de financer cette guerre.” N’oublions pas, l’année dernière, le budget russe dépendait à 36 % de ses exportations de pétrole et de gaz. Sans ça, les folies meurtrières de Vladimir Poutine auraient eu plus de mal à se réaliser.
Ironie de l’histoire, la lenteur de l’avancée des troupes russes en Ukraine est d’une part dûe au courage des Ukrainiens et à la férocité des combats qu’ils livrent. Mais aussi, peut-être parce que les Russes ont mal anticipé la météo. L’Ukraine devrait en ce moment toujours être congelée, or, après un hiver particulièrement doux et l’arrivée du printemps précoce, le terrain est boueux, les chars russes sont obligés de se restreindre aux routes, incapables d’avancer dans la boue. Et un hiver doux et un printemps en avance sont directement liés au réchauffement climatique.
Alors pourquoi en ignorer un au profit de l’autre ? Les deux sont des menaces existentielles.